Corpus : Schipper, disques

Title
Schipper, disques
Description
Code
CNRSMH_Schipper_002
Total available duration
06:53:55
Fonds
Fonds Kristofer Schipper

Collections

Title Digitized Description Code
AUTRES TRADITIONS DE L'EXTREME ORIENT CNRSMH_E_1972_006_008
[Taiwan, Musique Nan Kouan : copie de disque 33 tours]
Traitement en cours CNRSMH_E_1974_015_001
NAN KOUAN.VOL.1.MUSIQUE ET CHANT COURTOIS DE LA CHINE DU SUD CNRSMH_E_1983_011_008
Chine : Nan-kouan Vol.1, musique et chant courtois de la Chine du sud Enregistrement Radio France réalisé les 20 et 21 octobre 1982 au studio 103, sous la direction artistique de Lin Chang-lun. L'ensemble des artistes du Conservatoire Nan Sheng-She : Tsai Hsiao-yueh : chanteuse et chef d'orchestre. Tch'en Mei-o : chanteuse et luth. Sou Jong-fa: chanteur, mandoline et percussion. Tchang Hong-ming : Maître de luth. Tch'en Yun : Maître de flûte et de hautbois. Wou Kouen-jen : Maître de viole. Weng Sieou-tang: chef d'orchestre. Hsieh Yong-k'in : flûte et percussion. Tsai Cheng-man : flûte. Tch'en Sin-fa: mandoline et percussion. Lin Chang-lun : direction artistique. [Informations extraites du livret du disque, texte de Kristofer Schipper : ] "Pratiquement inconnu en Occident, en voie de disparition en Chine, le Nan-kouan ou "Style du Sud" est une des très rares musiques anciennes authentiques qui ait survécu aux profondes transformations de la culture chinoise depuis un siècle. L'origine du Nan-kouan se situe sans doute dans la musique de cour, poèmes chantés et danses, de l'époque Song (960-1278). Mais l'actuel Nan-kouan s'est développé dans le Sud de la province du Fukien, dans la ville de Ts'iuan-tcheou, décrite par Marco Polo comme une des plus belles cités de son temps. Des recherches récentes par le Professeur Piet van der Loon de l'Université d'Oxford ont permis de découvrir un recueil de ballades Nankouan provenant de cette région et daté de 1612 qui est tout à fait similaire à ceux d'aujourd'hui. Le Nan-kouan dans sa forme actuelle existe donc depuis au moins le XVI° siècle (époque Ming) et c'est par une tradition ininterrompue depuis cette époque que le Nan-kouan s'est perpétué jusqu'à ce jour. La forme fondamentale du Nan-kouan est la ballade k'iu. Expression pure d'amour courtois, ces ballades sont écrites en vers libres et en langue parlée. Leurs thèmes sont empruntés aux anciennes romances comme celle, célèbre entre toutes, de La chambre de l'ouest (Sisiang ki). Complaintes d'amour, évocations poétiques du ou de la bien-aimé(e), elles rappellent le répertoire de nos troubadours. L'orchestration également fait penser à celle de notre musique de l'automne du Moyen Age. Les instruments Le principal instrument du Nan-kouan est le luth piriforme (p'i-p'a; japonais : biwa) à 4 cordes, tenu diagonalement. Le pi-p'a est doublé par un deuxième luth, à trois cordes (san-hien; jap. : samisen) qui joue la même partition à une octave plus bas. Sur la trame mélodique donnée par les deux luths, la flûte droite (r'ong-siao) élabore des ornements. Elle est assistée dans ce rôle par la vielle à deux cordes (eul-hien). La flûte est parfois renforcée (ou même remplacée) par le hautbois (yu-ai). Le chanteur (ou la chanteuse) dirige lui-même cet ensemble, en battant la mesure à l'aide de "tablettes métriques" (pai-pan) : plusieurs tablettes de bois dur rattachées par le haut. La structure musicale La simplicité naturelle des ballades cache le fait que leur composition repose sur un ensemble d'éléments hautement compliqués. Voici les principaux 1) La gamme : 4 échelles pentatoniques, avec plusieurs notes intermédiaires. 2) Les mesures : elles sont au nombre de six, de 16/4 à 1/4. La richesse des rythmes et les transitions qui s'opèrent à l'intérieur d'un même morceau sont une des caractéristiques du Nan-kouan. 3) Les structures rythmiques l'alternance des structures rythmiques, ainsi que les accélérations et les ralentissements ont donné naissance à différents "modes cycliques" (kouen-men). Ce mode est donné pour chaque ballade. La nature exacte des kouen-men demeure actuellement un sujet de recherches. 4) Les structures prosodiques : comme l'on sait, le chinois est une langue à tons. Par conséquent, pour chanter, il faut que la mélodie épouse la prononciation des mots, ce qui rend la prosodie très importante. Il existe donc un certain nombre de modèles prosodiques (k'iu-pai) qui déterminent la structure de la composition littéraire. La notation Le Nan-kouan dispose d'un système de notations très complet où figurent, en plus de la mélodie, les indications relatives à tous les éléments énumérés plus haut. Les grands caractères donnent le texte du chant. En-dessous, des petits signes sur trois colonnes donnent, de droite à gauche, les mesures ( point noirs et petits ronds), les valeurs de chaque note et la mélodie (partition dup'i-p'a) (voir illustration). La technique de la voix Toutes les ballades sont exécutées par un seul chanteur ou une seule chanteuse, même là où le texte fait apparaître des éléments d'un dialogue, et sans distinction de rôles. La technique du chant doit beaucoup à la science du souffle et de la respiration pour laquelle la Chine est célèbre. La respiration vient de très bas (du "champ de cinabre", tan-t'ien) et les muscles du ventre sont sollicités pour pousser le souffle avec force vers le haut. Le son doit-être plein et pur, sans trémolo. Toutes les notes doivent être articulées distinctement, sans mélisme, car la voix se modèle sur la mélodie jouée par le p'i-p'a. Les différents sons (nasales, gutturales, dentales, etc.) expriment, selon un système de correspondances typiquement chinois, les différentes émotions. le chant se fait souvent bouche mi-close et certains sons demandent même une technique à la bouche fermée! Le Nan-kouan, musique savante, subtile et élégante, n'est pas d'un abord facile. Il faut souvent plusieurs auditions avant de pouvoir pénétrer dans son univers. Un des moyens pour y parvenir est de suivre la structure rythmique en comptant les mesures. Or les mesures sont marquées par les tablettes métriques (on entend un cliquetis bret et sec à des intervalles réguliers), sur le dernier temps d'une mesure. Comptez donc 4 sur le coup des tablettes, puis...1...2...3... Attention, certaines mesures sont fort longues, ne comportant pas moins de 16 temps! Pour ce premier disque, nous avons choisi un ensemble de ballades chantées sur différents thèmes. Le voyage du Nan-sheng she Le Nan-kouan a été introduit pour la première fois en Occident, grâce à l'invitation faite par Radio France à l'un des derniers ensembles de musique Nan-kouan qui survivent aujourd'hui, à savoir : le Conservatoire Nan-sheng she du Temple de la Grande Paix à Taiwan. Ce conservatoire est une association libre, non-gouvernementale, de musiciens amateurs (la tradition de Nan-kouan proscrit sa pratique par des professionnels). Le conservatoire est patronné, comme il est coutumier, par une organisation religieuse locale (une corporation marchande) et domicilié dans le temple de celle-ci. Fondé en 1898 par un maître nommé Tsiang Ki-seu venu de la ville de Ts'iuan-tcheou, le Nan-sheng she perpétue aujourd'hui une tradition du Nan-kouan parfaitement authentique tant du point de vue artistique que du point de vue - non moins important à certains égards - égards - religieux et social. L'ensemble venu en Europe aux mois d'octobre et de novembre 1982 compta 12 musiciens. Il a donné un grand concert en direct sur France Musique le 22 octobre à la Maison des Cultures du Monde, à Paris, de 10 heures du soir à 6 heures du matin! D'autres concerts eurent lieu, grâce à la coopération qui existe entre les départements de musique traditionnelle de Radio France, de la B.R.T. (Belgische Radio en Televisie) et la Westdeutscher Rundfunk (Cologne) et leurs directeurs respectifs : Pierre Toureille, Herman Vuylsteke et Jan Reichow, à Bruxelles et à Cologne. Sans cette coopération, la réalisation de cette tournée n'aurait pu être envisagée. Les prises de son réalisées dans ces différents centres radiophoniques ont permis d'enregistrer une partie importante du répertoire Nan-kouan. Tsai Hsiao-yüeh Le conservatoire du Nan-sheng-she compte parmi ses membres une chanteuse tout à fait remarquable en la personne de Madame Tsai Hsiao-yüeh. Sa technique de chant se situe dans la plus pure tradition du Nan-kouan : strictement disciplinée et pourtant pleine d'expression, dotée d'un registre très étendu, sa voix reste très limpide même dans les notes plus basses. A dix-neuf ans, elle fut une des chanteuses les plus célèbres à Taiwan et en Asie du Sud-Est. Après son mariage, ses obligations familiales l'empêchèrent de chanter pendant quinze ans, mais sa voix n'a rien perdu de sa splendeur d'antan. Elle maîtrise un vaste répertoire de ballades dont elle est une interprète accomplie. Par exemple, lors de l'enregistrement de ce disque à Radio France, elle chanta deux fois de suite "Le vent dans les platanes". Malgré le schéma rythmique compliqué de cette ballade, le temps de l'exécution fut le même (15'05) dans les deux cas à la seconde près." CNRSMH_E_1988_012_016
Chine : Nan-Kouan : chants courtois de la Chine du Sud. Vol. 2 & 3 [Informations extraites du livret du disque, texte de Kristofer Schipper et François Picard : ] "Commencée en 1982, la collaboration de la chanteuse Tsai Hsiao-yüeh (Cai Xiaoyue') et de l'ensemble Nansheng she avec Ocora-Radio France, débouche aujourd'hui sur un projet à la mesure de l'enthousiasme qu'a suscité le premier disque, unanimement salué par la critique : enregistrer et publier "l'ensemble du répertoire" de la plus grande chanteuse vivante d'un des genres vocaux les plus anciens et les plus raffinés du monde. Le plaisir qu'a eu Tsai Hsiao-yüeh à chanter en France, la reconnaissance de la qualité technique et du respect avec lesquels sa musique a été enregistrée, les liens d'amitié et de confiance qu'elle a noués avec les Français et tout particulièrement avec Kristofer Schipper, qui l'a fait découvrir, l'ont conduite, en août 1990, à proposer à Ocora l'exclusivité du projet qui lui tient le plus à cœur : garder témoignage pour les générations futures d'un art séculaire que l'on croyait perdu, l'art miraculeusement préservé de la poésie chantée du berceau de la civilisation extrême-orientale, la Chine. A ce souci de préservation s'ajoutait le sentiment d'urgence : Tsai Hsiao-yüeh, approchant de ses cinquante ans, craignait de voir disparaître sa voix avant d'avoir pu transmettre son art. Les sombres perspectives d'avenir de cet art en terre taiwanaise, malgré l'engagement de beaucoup d'artistes et amateurs, ont mobilisé l'ensemble Nansheng she et tout particulièrement son directeur, Lin Chang-lun. En complément du premier volume (Ocora C559004), les pièces enregistrées entre le 30 septembre et le 18 octobre 1991 (Studio 107 de la Maison de Radio France, Paris) vont être publiées dans le présent coffret (volumes 2 et 3, Ocora C560037-038) ainsi que dans un coffret à venir prochainement (volumes 4- 5 et 6). Des pièces plus rares, ne faisant pas partie du "répertoire'' ainsi que des archives ou des enregistrements publics feront éventuellement l'objet d'une publication ultérieure. Le Nan-kouan Genre musical originaire de la partie sud (Minnan) de la province du Fujian, où on l'appelle "son du Sud" (Nanyin), le Nan-kouan (Nanguan) représente un répertoire typiquement local, lié à l'aire culturelle définie par l'usage de la langue Minnan, aire qui inclut Taiwan et l'île de Hainan, et qui a désormais poussé ses ramifications jusqu'aux Philippines, en Indonésie et à Singapour. Si on peut l'entendre aujourd'hui en Chine sur disques, à la radio, dans des salles de concerts, joué par des ensembles professionnels fonctionnarisés, sa vraie tradition se situe ailleurs, encore bien vivante. Le Nan-kouan trouve sa véritable expression dans les temples, chant d'amour offert aux dieux. Tsai Hsiao-yüeh y a reçu son enseignement. Sur la notion de répertoire Ce que nous entendons ici par "répertoire de Tsai Hsiao-yüeh" ne correspond pas à l'intégralité du Nan-kouan (il existe également des pièces et suites purement instrumentales), ni même a l'ensemble des ballades chantées (sanqu). La définition et les limites de ce que Tsai Hsiao-yüch entendait par -son répertoire" ne peuvent être analysées que maintenant, a posteriori. Première caractéristique de ce "répertoire", la fixité de l'orchestration : la voix de Tsai Hsiao-yüeh (qui joue elle-même les claquettes-paiban), le luth pipa, toujours joué ici par le maitre Chang Hung-ming (Zhang Hongming, né en 1919), la flûte verticale à encoche dongriao, jouée par Tsai Seng-man (Cai Shengman, né en 1948) ou Huang Tai-lang (Huang Tailang, né en 1939), le vièle à deux cordes erxian, jouée par Hsieh Yung-chin (Xie Yongqin, né en 1930), le luth à trois cordes sanxian, joué par Lin I-chun (Lin Yijun) ou Su Jong-fa (Su Rongfa, né en 1936). Deuxième caractéristique, et cela constitua une surprise, son caractère non systématique. On savait que, si les recueils de Nan-kouan comprennent près de mille ballades, l'ensemble des types mélodiques se ramène à une trentaine de pièces-mères, d'où les autres dérivent. Mais ce n'est pas là non plus ce que propose Tsai Hsiao-yüeh. Certains types mélodiques manquent, d'autres sont représentés par plusieurs ballades. A notre tentation d'encyclopédisme, largement partagée par les musicologues chinois, Tsai Hsiao-yüeh oppose une exigence absolue : fait partie de "son répertoire" ce qui lui a été transmis directement par ses maîtres et qu'elle a fait sien par le long processus d'apprentissage et de répétition, ce qu'en France on qualifiait du noble terme, malheureusement désormais dévalué, de "routine". Ce répertoire ne se laisse classer ni par thème (toutes sont des ballades d'amour), ni par fonction (toutes ont une origine paraliturgique), ni rassembler en grande "geste" ou cycle, même si celle de Chen San et Wuniang prédomine. Nous avons donc opté pour la seule répartition adéquate, parce qu'existante dans la tradition, qui se fait selon de subtiles liaisons musicales. Cette répartition offre l'avantage de la cohérence et de l'efficacité : audible pour qui ne comprend pas la langue (et nous sommes nombreux), elle présente de manière pédagogique une analyse musicale complexe. Afin de préciser leur popularité, nous avons effectué la comparaison des trente quatre ballades enregistrées avec d'autres sources, en particulier les enregistrements collectés par nous en 1987 dans le Fujian, à Quanzhou, Zhangzhou ou Xiamen. Seules neuf pièces -. "Poe-chiú khng-kun" "Kang kun kiat-thok" (Nous nous sommes unis), "Khoàⁿ bó͘ -tan", "Su kim sìa-liáu", "Tsui-lâng chhin-chhiu", "Goá ui lí", "Bô-chhú se-soah" (Sans abri), "Gô͘ -tông hìòn-loh" et "Ù-ìên chhüi-li" (Unis par le destin). - font partie du répertoire propre au Nansheng she. Toutes les ballades, sauf six ("Khoaⁿ bó͘ -tan", "Soaⁿ hìâm-tsùn", "Su Kim sià-liáu", "Tsui-lâng chhin-chhiuⁿ", "Chhia-chiám tioh-saⁿ" et "Kám-sia kong-tsú", mais cette dernière ballade, importée récemment de Quanzhou, est en fait une des plus chantées), sont incluses dans le recueil fort répandu, tant à Taiwan qu'au Fujian, compilé par Zhang Zaixing, Nanguan mingqu ruanji, publié à Taiwan en 1962, qui en comprend deux cent soixante sept. Restent trois ballades ne figurant dans aucune autre source ou enregistrement consultés : "Khoàⁿ bó·-tan", écrite par Chen Tian dans les années quarante, "Su kim sìa-liáu" et "Tsui-lâng chhin-chhiu",. Le répertoire des ballades apparaît donc bien vivant, susceptible de création, en mouvement, diversifié. Un système musical complexe Le Nan-kouan possède un système musical original qui a généré sa propre notation, sa propre nomenclature. En tête de la partition de chaque ballade figure le nom du mode (gunmen) ou de la mélodie de base (qupai, que nous traduirons par "timbre") sur laquelle elle est construite. La même notation indiquant des notes différentes suivant les quatre tonalités (guanmen), nommées en référence aux doigtés de la flûte verticale, on précise également la tonalité, de même que la notation sur portée utilise une armature à la clef : Sikong correspond à la tonique sur fa (F diao), Wuliusiyi sur do (C diao), Wukong sur sol (G diao), Beisi sur ré (D diao). Les échelles sont pentatoniques, même si l'on peut jouer les degrés intermédiaires. La mesure (liaopai, littéralement "temps faible-temps fort") n'a pas besoin d'être nommée puisqu'elle se déduit des temps faibles et forts inscrits en regard des notes par des ronds noirs et blancs. Elle est le plus couramment binaire : 8/2 (qi liao), 4/2 (san liao), 2/2 (vi-er), 1/2 (die pai), plus rarement à 1/4 (in die pai). Notons toutefois que les mesures sont jouées et perçues respectivement à 16/4, 8/4, 4/4, 2/4 et 1/4. Un coup de claquette (paiban) ponctue le dernier temps. Le rythme non mesuré (sanpai) ne figure pas dans ce répertoire. Le tempo est toujours varié, sous la direction du maître de luth pipa. Toutes les pièces de même mode ou sur le même "timbre" ont même tonalité et même mesure, elles possèdent également des caractéristiques mélodiques ou structurales communes plus vastes, qui ne se laissent généralement pas réduire à un air. Plutôt que de développer ici une analyse abstraite (qui ne pourrait s'appuyer que sur de longues transcriptions), nous avons préféré l'exposé "en musique", en revenant à l'art traditionnel, inexprimé et en voie de disparition, de l'arrangement en suite. On a répertorié près d'une centaine de noms de modes ou de "timbres". Mais ceux effectivement joués dans l'anthologie, au nombre de vingt et un, se ramènent à neuf : Xiangsi avec ses variantes Bei, Duan et Yin). Chao yangchun (avec ses variantes Chang et Die), Fumalang (avec sa variante Duan), Wang yuanxing, Jinban, Shuanggui, Beigong, Beisi et enfin Gun (avec ses variantes Chang, Zhong et Duan). Les pièces en Zhong Gun portent de plus un qualificatif secondaire, certaines forment même des suites de différents "timbres", théoriquement au nombre de treize. L'existence de pièces permettant le passage (guo) d'un mode ou d'un "timbre" à un autre nous a permis de bâtir une grammaire des transformations, confirmée tant par l'ordre adopté dans les anciennes suites (tao) que par celui dans lequel Zhang Zaixing range les ballades. Cet ordre que nous avons suivi dans l'arrangement des pièces des volumes 2-3 ainsi que, séparément des volumes 4-5-6, correspond tout naturellement à l'ordre lumineux (et combien chinois) du "cycle des quintes" : fa, do, sol, ré. L'enregistrement La disposition même des instrumentistes constitue un défi vis-à-vis de la prise de son : au fond la chanteuse, à sa droite le luth pipa, à sa gauche la flûte, plus près de nous le luth sanxian côtoie le pipa, la vièle jouxte la flûte. Or, l'équilibre est inversé. La voix doit prédominer, doublée par la flûte. L'instrument conducteur est le pipa. Le sanxian doit se fondre dans le timbre de celui-ci, rajoutant juste de l'ampleur et des basses aux notes pivots. La vièle fournit une trame riche en harmoniques aiguës, un "tapis" ou fond, comme l'orgue à bouche dans d'autres musiques de Chine ou d'Extrême-Orient, ce qui sans doute explique l'absence de celui-ci dans le Nan-kouan tel qu'on le joue actuellement. Un couple de micros (type ORTF) placé devant la chanteuse donne en fait l'équilibre recherché. Un micro directionnel individuel précise chaque timbre, tandis qu'un couple à distance et en hauteur permet de rendre l'espace et le fondu de l'ensemble, offrant une vue générale. Le remarquable travail du directeur du son, Jean-Pierre luncker, a été ainsi très précisément guidé par les musiciens eux-mêmes, parfaitement conscients de leurs exigences (mais tout de même émerveillés du résultat). La comparaison avec les enregistrements voilés d'écho artificiel, réalisés à Taiwan (disque Kolin KCD-88305) permet de comprendre l'enjeu : l'intelligibilité de la voix. l'harmonie des timbres. La place idéale de l'auditeur est celle de la chanteuse, ou du dieu au milieu de l'ensemble. Les matinées étaient réservées aux répétitions, et la séance de l'après-midi aux enregistrements. Ni le multipiste avec re-recording, ni le montage phrase par phrase ne font partie de l'univers philosophiquement acceptable. Chaque ballade était jouée d'un souffle, d'un tenant. Après quoi, les musiciens (en fait Tsai Hsiao-yüeh et surtout Tsai Seng-man, faisant office de conscience musicale) réécoutaient l'enregistrement. Et I'on buvait le thé fumé. Une mauvaise coordination entre les luths, une faute de prononciation sur un mot rare suffisaient à annuler toute la prise. Ils décidaient rarement de refaire immédiatement une prise mauvaise préférant retravailler la pièce entre eux avant de la reproposer. Parfois, cependant, nous avons préféré choisir une des premières prises, plus habitée, à une ultérieure, plus polie mais plus froide. A posteriori, on peut constater que les exigences les plus "tatillonnes", et donc les prises les plus nombreuses, concernaient les pièces incluses au répertoire des autres ensembles taiwanais : l'auditeur privilégié de Tsai Seng-man, celui dont il craint le plus la critique, est son confrère. Amateurs et professionnels Les membres du Nansheng she revendiquent le statut, noble dans la Chine traditionnelle, d'amateurs. Le travail répétitif des sessions, tout juste agrémenté par un concert privé au Théâtre de la Ville (Paris) et un enregistrement public au Grand Auditorium de Radio France, représentait pour le groupe une expérience entièrement nouvelle. Le rituel du thé, les siestes, la bonne humeur régnant entre musiciens, directeur artistique et techniciens n'ont pas suffi à éviter l'éclatement de contradictions, dues à la confrontation d'un travail de niveau professionnel dans un environnement technique de haute qualité avec une philosophie de l'amateur. Face à la bonne volonté, à la confiance et à l'urgence du projet personnel de Tsai Hsiao-yüeh, les musiciens, loin de leur patrie, de leurs habitudes, se sont découverts à sa disposition, elle dont la légitimité n'est que vocale, à effectuer sur commande et, malgré tous les artifices d'écriture, contre rémunération, un travail d'accompagnement. Plus souterrainement, plus profondément, un art instrumental malgré tout transmissible par la partition, représenté aujourd'hui tant à Taiwan qu'au Fujian par de nombreux instrumentistes de grand talent, s'opposait à la magie unique d'une voix, d'un savoir intransmissible autrement que par l'oralité. Le projet d'une transmission différée par l'enregistrement ne pouvait provenir que d'un chanteur. La voix Le rapport privilégié de la voix avec la langue qu'elle magnifie fait des ballades chantées la plus haute expression de l'art musical du Minnan, au-dessus de la complexité des pièces instrumentales. Les particularités linguistiques du dialecte local, différent du mandarin, en rendent l'accès réservé. L'écriture chinoise par caractères n'indiquant pas la prononciation requise, seule une tradition vivante permet d'y pallier. Le Nan-kouan a, en outre, la particularité, qu'il partage -_ ce n'est pas un hasard -- avec les textes liturgiques, de requérir un état ancien de la langue, si bien qu'un véritable artiste se refusera à chanter un texte dont il aurait l'écrit mais dont la prononciation ne lui aurait pas été transmise oralement. La sacralité de la langue ne souffre aucune reconstitution érudite. La véritable tradition du Nan-kouan n'est pas celle des lettrés, mais de ces jeunes filles qui, avant même de savoir lire, apprennent auprès de leur grand-mère à chanter des paroles qu'elles ne comprendront que plus tard. Nous avons évoqué plus haut la crainte qu'éprouvait Tsai Hsiao-yüeh de voir disparaître sa voix. Ceux qui ont entendu les jeunes filles chanter savent quelle grâce particulière, quelle fraîcheur on attend d'une interprète. Les enregistrements de la voix de Tsai Hsiao-vüeh au moment de sa gloire, il y a près de trente ans; témoignent combien elle était comblée par les dieux, ils expliquent sa magie, sa stature exceptionnelle. Mais il suffit d'entendre la ballade qui ouvre cette série pour être, plus que rassuré, à nouveau conquis. Une tension, aussi forte que discrète, anime désormais la finesse, la précision, la justesse du coloris, la légèreté, toujours égales, qui atteignent désormais une immatérialité au-delà de l'âge, du physique, mystérieusement combinée avec un savoir de toute évidence plus grand, une plénitude de la maturité, une corporalité aussi qui rend la voix plus humaine, la révèle, céleste et incarnée, éternelle et présente." CNRSMH_E_1993_003_017
Nan-kouan : ballades chantées par Tsai Hsiao-Yüeh Vol. 4&5&6 L'ensemble Nansheng she est dirigé par Lin Chang-lun et soutenu par le Conseil pour la Planification et le Développement culturel de la République de Chine. (Interprété par) Tsai Hsiao-yüeh, Maître Chang Hung-ming, Tsai Seng-man ou Huang Tai-lang, Hsieh Yung-chin, Lin I-chun ou Su Jong-fa. Enregisrement réalisé au Studio 107 de la Maison de Radio France (Paris) (septembre - octobre 1991). Prise de sont : Jean-Pierre Iuncker, assisté de Jean-Michel Cauquy. Editing numérique : J-M Cauquy. Direction artistique et textes de présentation : Kristofer Schipper et François Picard. Traduction des ballades : Kristofer Schipper. Calligraphies Shun Wing-fong. Traductions anglaise Jeffrey Grice ; espagnole Myriam de la Prada ; allemande Volker Haller. Photos ; K. Schipper (DR). Secrétariat d'édition : Joëlle Lapointe. Coordination éditoriale : Jean Laisné. Conception et réalisation graphique : KAT. [Extrait des textes de présentation rédigés par Kristofer Schipper et François Picard : ] "Les trois disques que nous offrons au public dans ce coffret achèvent la publication des enregistrements de Tsai Hsiao-yüeh, avec ses amis de l'association Nansheng she (Société pour la Musique du Sud, du temple de la Protection de la Paix (Pao-an kung) à Tainan). Le moment est venu de faire un premier bilan. Douze ans déjà depuis que les premiers pas furent franchis pour sauver, in extremis, de la disparition, ce genre musical à tout point de vue si exceptionnel. J'ai connu le Nan-kouan en 1964 lorsque, membre de l'Ecole française d'Extrême-Orient (EFEO), j'étais en mission à Tainan. A cette époque, la ville, ancienne capitale administrative et culturelle. A cette époque, la ville, ancienne capitale administrative et culturelle de l'île, comptait encore une dizaine d'associations musicales dédiées à l'art instrumental et vocal du Nan-kouan ("Style du Sud"), musique tout à fait authentique et pure qui se rattache, de par ses origines et ses traditions, à l'Opéra du Sud (nanxi) de l'époque Ming (1638-1644). En dépit du caractère profane de la musique Nan-kouan, toutes les associations - et celles-ci se consacrent à nul autre genre - étaient rattachées à des temples locaux et animées par des notables de la ville. Certaines de ces "sociétés" (she) avaient une histoire plus de deux fois centenaire. Elles méritaient le nom de "conservatoires" dans la mesure où elles transmettaient, de génération en génération, les textes manuscrits de leur musique (suites orchestrales, danses et ballades), ainsi que les instruments et la tradition orale relative à l'histoire et aux méthodes d'apprentissage de leur musique. En 1982, grâce à Radio France et Pierre Toureille, les dilettanti du Nansheng she, avec Tsai Hsiao-yüeh, vinrent pour la première fois en Europe. Ce fut un immense succès. Un public important, en France comme en Allemagne, en Suisse comme en Belgique, se laissa séduire. Les sociétaires de Tainan connurent pour la première fois l'expérience d'une véritable écoute. En plus des concerts, les artistes enregistrèrent un premier disque 33 tours, devenu depuis une référence. Ce disque, aujourd'hui sous forme de disque compact (Ocora C559004), constitue le premier volume de la présente série. L'accueil positif du public européen provoqua un regain d'estime en Chine. Sur le continent, le Nan-kouan fut de nouveau autorisé. A côté de quelques ensembles officiels proposant une musique affreusement "améliorée", on vit renaître un certain nombre d'associations d'amateurs. Les temples ayant disparu, c'était désormais dans les clubs, les ateliers, voire chez les particuliers que les amateurs du Nan-kouan se retrouvaient. Tous les instruments anciens avaient été détruits et très peu de manuscrits subsistaient, mais un courant était né, une renaissance devine possible. Un des intérêts, et non le moindre, de la présente série d'enregistrements, est qu'elle va pouvoir servi de modèle. Un premier travail d'analyse de la tradition chantée du Nan kouan "Recherche sur le Nan-kouan de Quanzhou" ("Quanzhou xiangguan (Nanguan) yanjiu"), fut publié par Lü Chui-kuan en 1982, à Taipei. Plus tard, il fit l'inventaire de toutes les sources manuscrites et imprimées disponibles à Taiwan et opéra une première classification par "modes" (gunmen) dans un grand ouvrage intitulé : "Collection complète des notations musicales du Nan-kouan de Quanzhou" ("Quanzhou xianguan (Nanguan) zhipu congpian") (Tapei, 1987). D'autres chercheurs poursuivent aujourd'hui ces recherches musicologiques, notamment François Picard qui nous livre, dans ce fascicule, des résultats particulièrement importants dans ce domaine. Aux notations manuscrites conservées dans les associations comme le Nansheng she s'ajoutent depuis peu d'autres sources anciennes. Il s'agit de textes imprimés - soit de pièces de théâtre dans le genre Nan-kouan, soit, plus rares encore, de collections de ballades -- découvertes dans des bibliothèques de Chine et d'Europe. Trois livres uniques, datant du XVII° siècle, perdus depuis longtemps en Chine même, mais retrouvés par le grand sinologue européen, Piet van der Loon, de l'université d'Oxford, et qui viennent d'être publiés par ce dernier sous le titre "The Classical Theatre and Art Song of South Fukien" (SMC Publishing Inc., Taipei, 1992), nous permettent d'avoir une idée plus précise de l'histoire de la musique du Nan-kouan. L'un est un ensemble de scènes et d'airs de théâtre, datant de 1604, les deux autres sont des recueils de ballades, datant de 1613. Ces livres contiennent plus de trois cents ballades, dont plus d'un tiers figure encore dans les collections modernes, manuscrites ou imprimées. Bien entendu, ces collections reproduisent un très grand nombre de pièces qui, pour les raisons évoquées plus haut, ne sont plus chantées. Néanmoins, on peut affirmer avec certitude que le Nan-kouan que nous entendons aujourd'hui est, dans l'ensemble, une musique classique authentique. L'analyse musicale et linguistique des pièces connues et datant des XVI° et XVII° siècles nous fournira des indices permettant de dater sûrement d'autres ballades moins connues, puis de les distinguer de compositions plus récentes. Bientôt, il sera possible d'écrire une histoire détaillée du Nan-kouan. La plupart des ballades encore chantées aujourd'hui sont issues de ces ouvrages. L'examen détaillé de ces versions anciennes permet de constater que leur interprétation n'a guère varié depuis près de quatre siècles ! Dans la présente série, plusieurs ballades peuvent désormais être datées avec certitude comme étant de l'époque Ming. Citons, pour le volume 1 (Ocora C559004), le magnifique "Froid est l'hiver"' pour le volume 2 (Ocora C560037/038), le toujours populaire "Le Treillis de Roses"; pour le volume 3 (Ocora C560037/038), "Pensées secrètes"; dans ce volume 5, enfin, les deux ballades, "Ce n'est pas moi" et "Merci princesse"." CNRSMH_E_1997_008_014